

C'est dommage qu'en France, on ne valorise pas davantage l'industrie... On préfère mettre son gosse dans une filière saturée et/ou sans débouchés qu'en technique, voir -gasp- dans une filière technologique!
La polémique sur le Bangladesh et les réactions sont affligeantes. C'est un savant mélange de Marie-Chantal-au-Rotary-club, de boboïsme et de Nimby. "Vous vous rendez compte? Ces paaauvres petits Bengalis! On va faire une pétition-citoyenne à Auchan et à Mango!"
Historiquement, le terme "sweat shop" (les "ateliers de la sueur") remonte au XIXe siècle. Des rabatteurs alpaguent les émigrants, à leur arrivée à New York. Les Polonais, Allemands, Suédois et Irlandais se retrouvent à travailler dans des ateliers insalubres. Si insalubres qu'ils les quitteront pour aller bosser chez Ford, à Detroit, dans les années 20! Avec les 30 glorieuses, l'habillement devient une industrie. C'est l'époque des Battaville: des usines employant des centaines d'ouvrières. Ces femmes de paysans sont bien contente de ramener un 2e salaire... Dans les années 80, c'est l'ère des marques. Les créateurs ne sont plus producteurs. Plus besoin de s'offrir des usines: ils font tout sous-traiter! Et au bout du monde. Ringardisées et trop chères, les entreprises textiles traditionnelles, notamment dans le Nord, ferment une à une. Les Guignols se moqueront de Nike, qui fait travailler des "ch'ti gnenfants" en Chine. New Balance se vante de ses baskets "made in USA"... Jusqu'à ce que l'on découvre que les semelles viennent de Chine. Au Pakistan, Iqbal Masih, un enfant qui a travaillé à l'usine, fait le tour des ateliers. Il est abattu en 1995. En 1998, scandale: les ballons de foot du Mondial 98 sont fabriqués au Pakistan, par des petites mains guère âgées... Sous la pression des populations, les grands donneurs d'ordre (Nike, Adidas, Gap...) quittent la Chine et le Pakistan. En fait, ils le font car les salaires ont augmenté et parce que des sous-traitants captent les plans pour les revendre à des contrefacteurs. Le nouvel eldorado s'appelle l'Inde et le Bengladesh. Les marques jurent sur le c½ur qu'ils auditent les usines et qu'ils ont des chartes de bonne conduite. Quelle tartufferie! La réalité, c'est de la sous-traitance en cascade. Les donneurs d'ordre sont à des milliers de kilomètres. Les auditeurs sont des intermédiaires, bien incapable de s'y retrouver dans un marigot de micro-ateliers. Cette complexité est une bonne excuse pour ne rien faire. De toute façon, lorsque l'on voit les prix et les quantités, on se doute bien que les ouvrières ne sont pas aux 35h... D'autant plus que la GMS veut booster ses rayons textiles (où les marges sont plus importantes que dans l'alimentaire.) A Dacca, l'atelier est dans un immeuble en ruine, qui s'effondre sur 350 personnes. En Europe, les bobos ont des larmes de crocodiles. On re-redécouvre les sweat shops. "On pensait que c'était fini" déclare une candide jeune femme. Cette fois, c'est le Bengladesh qui jure qu'on ne l'y reprendra plus. Il va créer des règlements, augmenter les salaires, etc. Que feront les donneurs d'ordres? Ils vont chercher d'autres pays, moins regardants (et moins cher.) Dans un monde sans frontière, il n'y a pas de limite au cynisme. La solution, ce n'est pas de traiter Mango ou Camaïeu de méchant-pas-beau! Il faudrait plutôt légiférer, imposer une taxe carbone sur les importations (faire voyager un tee-shirt 10 000km est un non-sens!), sanctionner le dumping-social et bien sur réindustrialiser l'Europe, subventionner l'industrie textile et le "made in EU". Mais bon, il ne faut pas rêver...
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