
J'avais vu Jean-Luc Delarue "en vrai", à l'élection de Miss OK, en 1988. L'évènement était retransmis sur M6.
A l'époque, il était l'un de ces animateurs jetables de la 6e chaine. Il jouait les beaux gosses, avec son brushing et ses deux boucles d'oreilles.
Pour info, ce jour-là, l'élection avait consacré la future Flavie Flament (qui à l'époque, portait son vrai nom.)
Quelques années plus tard, je le vois dans une pub pour Europe 1. Casquette "New York Yankees" sur le crâne, il présente la matinale.
Il fait plus vieux que son âge et on a du mal à croire qu'il présentait des clips quelques années plus tôt!
Puis c'est La grande famille, l'émission du midi de Canal+. Fausses lunettes de vues sur le nez (pour faire intello), il est à la fois animateur et producteur.
Grâce à lui, ce programme devient un genre de "Nulle part ailleurs du midi". Il a son propre ton, ses propres chroniqueurs et ses propres rubriques. Et déjà, le gout pour le témoignage des "vrais gens".
En 1994, son départ pour France 2 choque au début. Pourquoi quitter l'ambiance familiale de Canal +?
Il lance alors Ca se discute. Les sujets sont souvent trash. Le public y est invité à encourager ou à huer les invités. Ce qui sauve l'émission, c'est l'apparente pudeur de l'animateur, en costume et son ton posé. Il n'a pas le look de cuisiniste d'un Jean-Marc Morandini par exemple.
Avec cette émission, il devient l'une des personnalités les plus connues du PAF. Sa fameuse oreillette, c'est -dit-on- pour souligner le travail de ses collaborateurs. Mais c'est aussi car sans eux, il n'est rien. Delarue est un "enfant de la télé". La TV a toujours été un but en soit. Contrairement à la génération précédente d'animateurs, il n'a pas tenté une carrière de chanteur, d'acteur ou d'écrivain. On ne lui connait pas vraiment de passions (mis à part le PSG) ou d'opinions. C'est du vide abyssal. Un singe savant qui sait -bien- interviewer un quidam parce qu'il a un souffleur en permanence.
Avec Réservoir Prod, il devient en plus un homme richissime. Il produit d'autres émission, dont le lamentable C'est mon choix. Avec Réservoir Sport, il se mue en gestionnaire de la carrière de Brahim Asloum.
Son restaurant Le Korova, interdit aux enfants, défraye la chronique. Il est suivi peu après par Le Nobu et son poulet au coca. Les établissements font faillite au bout de quelques mois.
Le tournant des années 2000 est délicat. Avec l'essor d'internet, la télévision n'est plus omnipotente. Internet gobe la tranche des jeunes actifs et des ados.
C'est aussi l'arrivée de la télé-réalité. Face à la PME Réservoir Prod, Endemool fait figure de multinationale. Elle peut apporter des concepts clef-en-main, déjà rodés à l'étranger et elle a beaucoup plus de poids pour négocier avec les chaines. Avec Carson Prod, Delarue propose de la télé-réalité "soft" comme Le cours Florent ou Stars à domicile.
Le vente commence à vraiment tourner vers 2005. Il est d'abord accusé de licenciements abusifs et de cotisations non-payées. Mais c'est monnaie-courante chez les producteurs TV.
En 2007, il apparait une première fois dans la colonne "fait divers" avec une agression d'hôtesse de l'air.
En 2009, lors de la pitoyable cérémonie des Globes de cristal, c'est un Delarue complètement ivre (ou camé) qui passe à l'écran.
En 2010, il est mis en examen dans le cadre d'un trafic de drogue. Des articles récents le peigne en gros consommateurs de cocaïne. France 2 le vire... Pour mieux lui offrir ensuite un mea culpa cathodique. Dans un style très US de "repenti", Delarue évoque son addiction et son cancer. Un peu plus et il nous disait qu'il a découvert Jésus!
C'est donc la fin d'une époque.Il était l'homme des années 90. Avec Nagui et Arthur, il représentait l'apogée des animateurs-producteurs.
Avec la TNT et les chaines proposées par les box, l'audience TV s'éparpille. C'est fini, l'époque où un animateur draine des millions de spectateurs.
C'est donc aussi la fin des stars. Julien Courbet ou Marc-Olivier Fogiel (un autre ex-petit génie découvert par Canal +) témoignent qu'il n'y a plus d'animateurs irremplaçable. Une situation qui arrange bien les chaines, qui n'ont plus à débourser des millions pour s'offrir une vedette.
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