Vu un dimanche, sur le Champ de Mars. 4 couples Chinois se font simultanément prendre en photo (et il y en avait d'autres, hors champ.) Cela résume bien la conception de la vie privée, dans la Chine traditionnel : pas de spontanéité, pas d'originalité et pas d'intimité. Ces 4 couples ne se connaissent pas et pourtant, ils font la même chose, au même endroit, au même moment.Là, c'est les photos avec la famille et les témoins, sur le Champ de Mars. Ca se terminera par le baiser devant la Tour Eiffel. Tout est très posé. Chacun a son vidéaste, mais on ne sait pas trop ce qu'il filme, vu que les mariés sont figés.
Ensuite, ce sera le diner, en présence de la famille étendue, soit une centaine de convives. Pour les invités, la question de venir ne se pose pas ; chacun porte l'honneur de telle branche. Ne pas venir serait une insulte. Pourtant, beaucoup connaissent à peine les mariés. Chacun se fera prendre en photo avec le couple, qui se tient à l'entrée. La mariée aura changé de tenue. Puis il faudra donner son enveloppe rouge et bien la garnir. Chaque famille aura sa table, avec 2 ou 3 bouteilles de vin et 1 bouteille d'alcool fort. En fin de soirée, le couple trinquera avec chaque table. La mariée aura encore changée de tenue. Ce sera le top départ : à peine le verre reposé, la tablée s'enfuira.
A la fin, le couple distribuera des photos et des DVD du mariage aux membres restés en Chine. Puis, la mariée sera priée de tomber enceinte dans l'année qui suit. Et le couple devra régulièrement expédier des fonds à leurs parents et aux membres âgés de la famille. Par coutume et aussi parce qu'en Chine, il n'y a ni sécurité sociale, ni pension de retraite. Evidemment, la question des revenus du couple n'entre pas dans l'équation. Il faudra envoyer de l'argent, point.
En France, les gays ont milité pour le droit au mariage. Dans la Chine traditionnelle, se marier est un devoir. C'est une autre signification du "mariage pour tous"...
En occident, on glorifie le droit au bonheur individuel. Dans la Chine traditionnel, c'est le bonheur de la famille qui est prioritaire. Un noyau familial soudé, où il y a une grande solidarité, mais où les désirs individuels sont niés. Ca peut sembler désuet et le pire est que les Chinois trouvent eux-même que c'est trop contraignant !
Mais les choses bougent. L'horizon des parents ne dépassait pas leur village. La moral confucianiste s'est bien accommodée du puritanisme communiste. Mais les jeunes vivent dans un autre monde. Ils voient bien ce qui se passe en occident et chez les voisins japonais ou coréens (malgré la censure.) De jeunes blogueuses branchées racontent leurs histoires de coucheries à des millions d'internautes faussement effrayés. Même les très populaires soap opéra s'attaquent timidement à des tabou comme les relations pré-maritales, l'homosexualité, le divorce ou les mariages interraciaux. Ceux qui ont émigré ont vite compris que le logiciel traditionnel est inadapté aux réalités sociales et économiques, même dans les grandes villes chinoises. Quant à leurs enfants, a priori, ils considéreront qu'ils n'ont aucun compte à rendre à des parents géographiquement et culturellement lointains.
Et si finalement, les traditions avaient d'autant plus de poids que les parents sentent que la digue est en train de lâcher ?
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