
La spéculation financière renvoie à l'usure, interdite dans le christianisme et l'islam (mais toléré dans le judaïsme, vu que tous les autres métiers étaient fermés aux juifs.)
Pour autant, cela fait des siècle que l'argent circule.
Les Perses avaient inventé le sakk (qui deviendra "chèque"), qui est davantage une lettre de créance. Au Moyen-âge, il arrive en Europe. Plutôt que de se balader avec des pièces, les croisés déposait leur argent aux Templiers, en France et le récupérait en Terre Sainte (sans intérêt.)
Dans le haut Moyen-âge, on réalise de juteux profits sur les épices (au point que cela donnera le mot "espèces".)
A la renaissance, les juifs de Florence fondent des agences: une table, une nappe verte et voilà! Du coup, on appelle ces agences, des tables (banco.) Et lorsque l'agence ferme, on casse la table (banco rotto.)
Au milieu du XVIIe siècle, le capitalisme connait sa première crise: la tulip-mania. L'Europe entière voulait des tulipes et ils étaient prêt à en acheter au prix fort. Mais les marchands avaient surestimé la demande, s'endettant pour accumuler des tulipes finalement invendables.
Le billet est en soit une révolution. Jusqu'ici, la richesse correspondait à un empilement physique de pièces ou de denrées. Désormais, c'est un simple bout de papier. Il est diffusé par les Chinois au Xe siècle. Les Suédois "l'inventeront" à la fin du XVIe siècle. Cette abstraction de la richesse choque Montesquieu (qui, ironie de l'histoire, se retrouvera sur un billet.)
La bourse connu également un développement long, depuis les premières maisons où les marchands se réunissaient, au moyen-âge, jusqu'aux bourses modernes, apparues à la fin du XVIIIe siècle. Notez que le développement, au XIXe siècle est parallèle à une montée de l'industrie et à un déclin de la religiosité. Dés le début, on critique les spéculateurs. Les scandales se multiplient et le point d'orgue fut la crise de 1929.
Sauf qu'aujourd'hui, il n'y a plus de corbeille, plus de titres papiers et même plus de place boursière. Tout est totalement virtuel. Ce sont des hommes derrière des ordinateurs qui "jouent" et parfois, des ordinateurs entre eux. Les médias n'arrivent même plus à expliquer ce que les traders s'échangent. Mettre en scène les dysfonctionnements est compliqué, comme en témoigne la pitoyable pièce de théâtre avec Lorant Deutsch.
Dans ce contexte, Jérôme Kerviel sert d'incarnation vivante d'un système. On peut enfin mettre une photo sur le mot "spéculateur moderne". C'est un trader, mais un Breton, jeune, fils de chaudronnier qui n'a "que" un DESS. Et puis il travaillait à la Société Générale, à La Défense et non pas dans une obscures boites de New York. Bref, c'est le gars du coin-de-la-rue. D'ailleurs, lorsqu'il était en IUP à Nantes, il a croisé des gens que j'ai ensuite personnellement croisé. François-Xavier Demaison (qui fut avocat d'affaire chez PriceWaterhouseCoopers) aurait été un moins bon casting. Voilà pourquoi l'opinion est de son côté, malgré son air carnassier, malgré son absence de remords, malgré ses "je ne gagnais que 50 000¤!", malgré un livre dont il ne cache pas qu'on le lui a écris, malgré son actuel intérêt pour la religion. Les patrons de PME faisaient la queue pour avoir quelques conseils d'un Bernard Tapie ou d'un Jean-Marie Messier. A contrario, Jérôme Kerviel n'est pas perçu comme un expert de la finance. On se presse plutôt pour pleurer sur son sort.
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